Patrimoine émotionnel

Toutes les villes aiment faire parler d’elles. Cela a toujours été vrai mais les réseaux sociaux ont décuplé cette envie d’être désirables et de se retrouver au cœur des attentions et des conversations. Pour y parvenir, chacune tente tout d’abord de valoriser son patrimoine. Mais tout le monde ne possède pas un château, une cathédrale ou un musée d’envergure. A défaut, elles défendent ou inventent une spécialité gourmande locale qui se charge d’une valeur patrimoniale. Certaines (rares) ont la chance d’avoir eu le premier rôle dans des films à succès (Deauville, Cherbourg, St Tropez, mais aussi Bergues au temps des Chtis) ce qui est toujours un avantage pour faire venir les visiteurs. Beaucoup sont tentées de créer leur propre festival ou leur événement culturel. Beaucoup trop sans doute face à un public pas si extensible. La dernière tentation du moment consiste à développer une boutique. Versailles (qui n’a pourtant pas besoin de renforcer sa notoriété…) vient ainsi de lancer une gamme de thés en collaboration avec Dammann Frères ainsi qu’une collection de bougies et un diffuseur de parfum inspirés par ses jardins avec Trudon. En attendant les draps Yves Delorme, maison reconnue entreprise du patrimoine vivant, un béret ou un foulard signés Agnès b. et même un Solex en collection ultra limitée… L’objectif est clair : faire briller le nom de la ville à l’international au-delà du château et générer ainsi quelques retombées sonnantes et trébuchantes. Plus sympathique que les contraventions… Le Mont-Saint-Michel est sur le même chemin avec son intention, récemment annoncée dans la presse, de produire une offre de produits de qualité capable de se différencier de celle, interchangeable et venue d’Asie, des magasins installés dans sa rue principale… Quand on parle de patrimoine vivant, on évoque souvent la mise en vie du patrimoine historique. Mais il peut aussi s’agir de faire vivre son patrimoine émotionnel à travers des objets susceptibles de trouver leur place dans notre quotidien. Une manière pour les villes de rester présentes et d’entretenir leur pouvoir d’attraction. Vu le développement du tourisme international, parions que ce patrimoine émotionnel n’en est qu’à ses débuts…