Ré enchantement

Y-a-t-il encore en ville des espaces libres qui n’ont pas été ré enchantés ? Certains murs, borgnes et trop visibles, accueillent des fresques appréciées des réseaux ; d’autres, des tags ou des ornementations en mosaïques. Les boîtes aux lettres de La Poste, les panneaux de signalisation et les potelets qui délimitent les trottoirs sont devenus des supports d’expressions artistiques de toutes sortes. Ultimes symboles urbains, les plaques d’égout et de gaz font désormais aussi partie des objets de convoitise pour ceux qui veulent laisser leur trace en ville. Après avoir découvert que des artistes new-yorkais s’étaient emparés des trottoirs de leur ville, Mélanie Rostagnat décida de peindre à son tour des plaques d’égout, celles des trottoirs ou qu’elle récupère sur leboncoin ou auprès d’une fonderie et auxquelles elle consacre un compte Instagram. 500 de ses œuvres sont aujourd’hui visibles, à Paris essentiellement, mais aussi en région puisque certains élus, comme à Vannes, sont venus lui demander d’intervenir. Une manière comme une autre d’égayer nos rues. L’artiste déclare passer entre 40 minutes et deux heures par plaque et utiliser de la peinture acrylique qu’elle protège d’un vernis pour que les couleurs tiennent même si, avec le temps, elles finissent par s’estomper. « Je trouve intéressant de sublimer un objet auquel on ne prête pas attention » déclarait-elle lors de la récente exposition de ses œuvres dans une galerie du 17e arrondissement. L’occasion pour elle de rencontrer tous ceux qui, dans le quartier, la foulent des pieds tout en appréciant son travail. Le soir de l’inauguration, étaient présents la nounou qui apprend les couleurs aux enfants qu’elle garde en leur montrant les plaques peintes, la maman dont le fils, souffrant d’une phobie scolaire, appréciait d’aller à l’école en suivant les plaques le long de son chemin ou encore les agents du service propreté du quartier qui évitent de passer leur jet d’eau sur les plaques quand celles-ci sont peintes. Comme autant de preuves de la manière dont de petites interventions artistiques sont capables de produire de nouveaux comportements.