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Monstre mania
Avec ses oreilles pointues et ses grandes dents, Labubu a l’air de sortir d’un cauchemar d’enfant. Créé par l’illustrateur hongkongais Kasing Lung, ce petit personnage mi-lapin, mi-monstre, est devenu en quelques années un phénomène mondial. Un jouet au format poche, devenu fétiche d’une génération qui se décline en figurines vendues à l’aveugle, dans de petites boîtes où chacun espère découvrir le modèle rare. En quantités limitées, souvent épuisées en quelques heures, chaque Labubu s’arrache comme un billet de concert. Dans les rues de Paris, Berlin ou Londres, des foules ont patienté parfois 7h pour acheter leur figurine, créant parfois des mouvements de foule au sein de l’enseigne Pop Mart, ce géant chinois du jouet design et des “blind boxes”. Sur les plateformes de revente, les prix ont flambé, multipliés par deux ou trois en fonction du modèle. Les collaborations se sont multipliées avec des marques comme Coca Cola, Disney ou encore le manga One Piece. Même des stars internationales comme Rihanna ou Madonna affichent fièrement leur Labubu. Le fabricant vise ainsi plus de 4 milliards de dollars de revenus en 2025. Ce petit monstre dit beaucoup de notre époque. Celle du mimétisme collectif mondialisé, où l’on se laisse emporter par l’élan commun tout en cherchant à décrocher l’édition rare, celle qui distingue. Être comme les autres, mais un peu différent, un peu mieux. Ce paradoxe traverse déjà les files d’attente des sneakers, de thé matcha ou les collections de cartes Pokémon. Labubu en devient le miroir parfait, concentrant plusieurs marqueurs contemporains : la viralité des réseaux sociaux qui transforme un objet en icône mondiale, la culture de l’instant où tout se joue en quelques heures ou quelques clics, le culte du manque qui attise le désir et enfin la quête de communautés éphémères, rassemblées puis dispersées au rythme des sorties. L’expérience n’est plus seulement celle d’un objet, mais celle d’une quête : participer à une loterie émotionnelle où la valeur se nourrit de l’incertitude. C’est le manque qui alimente le désir, la file d’attente qui fait communauté, la frustration qui transforme l’achat en victoire. Finalement tous les ingrédients du commerce traditionnel.

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